P'is vous savez que j'aime bien semer des écrits ici ou là, je pense. *Bat des cils avec ingénuité, sourire angélique aux lèvres*
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[font=cursive]Yseult de Corbeval.
Elle a dit que c'est comme ça qu'elle s'appelait. Ce n'est pas ce que je voulais. Je n'ai jamais voulu ce qui est arrivé... c'était un accident. De telles choses arrivent parfois, n'est-ce pas ? Le peuple de la jungle m'a appris à modérer mon sang chaud, à voir la trame de la vie en toute chose et à la respecter ; et j'ai compris ce qu'ils voulaient dire. C'est juste que parfois, j'oublie. J'ignore quand donc je cesserai d'oublier. Peut-être lorsqu'il y aura eu assez de morts.[/font]
Je lève ma main un instant, cessant d'écrire. C'est Tiaxitl qui m'a conseillée de coucher sur le papier ce que je ne parvenais pas, à haute voix, à exprimer : il dit que l'encre exorcise les démons. Pour ma part, je n'ai pas son assurance, mais je sais qu'il faut écouter ses aînés. Ils ont vécu.
[font=cursive]La jungle donne et la jungle prend : elle pourvoit à tout. Il ne faut pas oublier que parfois, si c'est à nous qu'elle donne, c'est parfois aussi nous qu'elle prend. Je ne connais qu'elle, Maguuma... j'ignore tout du monde de l'extérieur. C'est pourtant de là-bas que je viens. Là-bas que je suis née, si j'en crois le peuple de Maguuma.[/font]
Un claquement de langue agacé m'échappe. Je sens mon écriture laborieuse, pénible : je ne suis pas habituée à cet exercice et mon poignet fatigue à une vitesse qui a le don de m'irriter. J'inspire profondément et souffle entre mes lèvres, sentant le lourd soleil de midi cogner contre ma nuque à travers l'épaisse frondaison de la cime. Assise sur une liane qui fait deux fois ma taille, les pieds dans le vide, je me joue du vent facétieux qui file à travers les hauteurs. Le tapis moussu du sol disparaît dans une tache émeraude, loin en contrebas. J'entends la musique de la sylve, sa mélodie sauvage de grésillements, de craquements et de bruissements.
[font=cursive]Mes parents sont venus jusqu'à l'extrême Ouest des terres connues. J'ignore pourquoi, et le peuple de la jungle l'ignore aussi : mais ils sont morts dans les bras traîtres de la forêt tropicale. J'ai été recueillie par eux, ces hommes-grenouilles qui ont appris à vivre au milieu du péril... Ils m'élevèrent pour ce que j'étais, une enfant humaine, chacun un peu à sa façon. Je suis devenue fille de la jungle à mon tour.[/font]
Du coin de l’œil, je surveillais un serpent qui sifflait doucement à plusieurs longueurs de bras de là. J'eus la pensée amusée qu'il était peut-être en train d'essayer de converser avec moi, pour ce que j'en savais. Je lui adressais un : "Sscchh !" impérieux en posant l'index sur ma bouche, avant de me souvenir que mes doigts étaient barbouillés de fusain. Une grimace excédée passa sur mes traits.
[font=cursive]Et puis cette femme est v[/font]
Je stoppai mon mouvement. Mes yeux se posèrent sur ce bout de mot que j'étais en train d'esquisser et qui resta ainsi, inachevé, pendant de longues minutes où le crissement de ma plume improvisée s'était estompé. Il n'y avait plus que la brise et les feuilles pour se faire entendre, ainsi que le reptile qui continuait de siffler.
Avec un soupir, je lâchais ce début de journal qui entama une hasardeuse chute vers l'humus de la jungle.
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